BIOGRAPHIES
Un pinceau à 5 branches
Claude Lorent pour La Libre Arts 30 Mars 2012
La peinture est redevenue un vaste champ d'expérimentation et d'expression dont la santé est particulièrement florissante à tel point que pour le moment elle dame même le pion à pas mal d'autres moyens d'expression artistiques. Et elle arrive enfin décomplexée, libre, sans a priori de style ou de genre, se permettant d'aborder tous sujets sous toutes les formes.
Le poids du siècle de modernité semble s'être considérablement allégé probablement par l’épuisement des courants qui ne cherchaient qu'à s'annihiler les uns les autres et grâce à la victoire d'un éclectisme sans complexe qui redonne toute la valeur à l'œuvre et non à une quelconque appartenance à une caste particulière. Puisque enfin tout est à nouveau permis chacun peut y aller de sa conception, de sa vision, de son plaisir personnel et si l'on constate des affinités ce n'est pas qu'il y a regroupement ou concertation, voire ligne stratégique, c'est simplement que des questionnements, des thématiques, des images, des envies, des pratiques, participent des préoccupations de ces artistes.
Ils sont cinq jeunes rassemblés en une exposition qui montre avant tout la vigueur actuelle de la jeune peinture vivante en Belgique et qui bannit par son contenu les clivages souvent imposés par l'obligation de modernité et par l'imposition de la nouveauté à tous crins. Tous les cinq ils semblent dire : « Laissez-nous travailler comme on en a envie, oubliez tous les tiroirs de rangements et regardez ce que nous vous proposons ! » Et ils ont pleinement raison surtout qu'ils affirment une gourmandise pour la picturalité vive, généreuse, qui sent bien la peinture, qui se sent à l'aise avec sa chair et ses couleurs. Le plus âgé d'entre eux, Eric Deprez donne dans l'amplitude du geste et dans la spontanéité d'une abstraction qui trouve sa force dans l'énergie qui se dégage de chaque toile travaillée avec une ardeur qui ne se dément jamais. Onctueuse souvent, parfois épaisse, toujours marquée par les traces du pinceau, la matière picturale se livre sans retenue mais dans la nuance et les fines luminosités chromatiques qui donnent vie et mouvement. On pourrait croire que Charles Balavoime, étant donné son vocabulaire ancré dans les formulations géométriques, est à l'antithèse, et cependant par les profondeurs, les transparences et les superpositions, par les fonds spatialistes, il capte aussi les nuances colorées et filtre à sa manière les luminosités qui rayonnent en surface.
Déjà remarqué précédemment, le travail de Mathieu Nozières prend cette fois une envergure peu commune (pas seulement dans les grands formats !), une puissance expressive pleine de tonicité et dégage un souffle d'interprétation d'une belle maturité pour un si jeune peintre. Et puisque les motifs ne sont pas des interprétations d'images, on souligne avec plaisir la capacité d'agencer des visions mentales et imaginaires follement évocatrices.
C'est un climat beaucoup plus lourd qui règne dans les compositions plus classiques mais enlevées de Sebastian Hosu avec les personnages de dos ou dans des positions inconfortables. Et les tonalités penchent vers la dramatisation. Par contre c'est entre architecture, spatialisme et abstraction que Magda Amarioarei conçoit ses peintures dans la douceur d'une certaine clarté qui les fait amplement respirer dans l'entre deux de l'abstraction et du besoin de structure.
 |  |
|---|---|
 |  |
 |  |
 |  |
 |  |
 |  |
 |  |
 |  |
 |  |
 |  |
 |  |
 |  |
 |  |
 |
MAGDA AMARIOAREI
Née en 1988 à Iasi en Roumanie. Vit et travaille à Gand. Licence (peinture) à Cluj-Napoca, Master (peinture) de l’Académie Royale des Beaux-Arts de Liège, Master (peinture) au KASK à Gand. Group shows à Bruxelles (« Déplacements » Espace de Frédéric de Goldschmidt à Bruxelles (2011), aux Brasseurs à Liège (« L’Aca aux Brasseurs », 2011), «From this side of time », Espace 104, Liège, Belgique Group Show "Sex and Space" Ex kenvelo à Cluj-Napoca (Roumanie) en 2010.
Elle est lauréate du Prix Pauline Jamar en 2011.
Le chemin de recherche de Magda Amarioarei au travers de sa peinture est très compact. Chaque chose à une signification, chaque élément est relié à un tout. Le paradoxe du contrôlé représenté de manière incontrôlée (acte gestuel, accident pictural, etc.) ne semble être là que pour mieux protéger la vérité précieuse et fragile qu'il y a à l’intérieur de ses peintures. Ses images ont quelque chose de très féminin, et sa gestualité ne semble pas agressive, mais au contraire défensive, vulnérable. Ses toiles, faites de lignes, de directions, d'allers et retours, semblent tenter de se composer sur un terrain instable. Certaines lignes solides donnent l’illusion de contenir une partie pour au final la laisser exploser un peu plus loin. Ce n'est pourtant pas le chaos qui règne, mais plutôt la déconstruction que toute organisation demande.
CHARLES BALAVOINE:
Né en 1986 , Le Havre (France). Vit et travaille à Liège. Licence (peinture) à l’Aca de Liège (2011). Actuellement en section Master (peinture) à l’Aca à Liège.
Charles Balavoine se situe sur un chemin tout à fait personnel et construit ses images de manière très fluide alors qu'elles se trouvent très complexes à mettre en place. Son travail est une synthèse de styles extrêmement divers. De la figuration à l'abstraction, du street art au graphisme, Charles élabore des images quasiment mathématiques, rappelant une esthétique numérique et synthétique typique de notre époque contemporaine. Ses images colorées et dynamiques, pouvant faire référence aux jeux video, semblent provoquer ironiquement les arts numériques et prouver que la peinture n'aura jamais d’autres limites qu’elle-même.
ÉRIC DEPREZ:
Né en 1972 à Liège. Vit et travaille à Liège. En cours de deuxième Master (peinture) à l’Aca à Liège. Solo show (Peintures/Dessins), au Centre Culturel de Marchin en 2011, Group show « Déplacements » Espace de Frédéric de Goldschmidt à Bruxelles (2011).
Il est lauréat du Prix Collignon en 2011.
En dire beaucoup avec peu. Le bon coup au bon endroit, en éliminant tout mouvement superflu qui ferait perdre de l’énergie et l'objectif de vue. Il y a une notion de vital, de survie dans ses peintures. De défense autant que d'attaque. Le spontané contraste avec le prémédité, et la couleur choisie est préparée de manière très précise, contrebalançant son utilisation brutale et directe. Cette force se veut naturelle, et Eric Deprez prépare toutes ses couleurs manuellement avec des pigments. Ses toiles sont, en un sens, élitistes, et seuls des observateurs qualifiés arriveront à saisir ses subtils gris aussi somptueux que dangereux.
SEBASTIAN HOSU
Né en 1988 à Satu Mare (Roumanie). Vit et travaille à Liège. Bourse Erasmus à l’Academia Albertina à Turin (2008_2009), Licence (peinture) à Cluj-Napoca (2010), En cours de Master (peinture) à l’Aca à Liège. Group shows (videos) : participant au Cluj Film Festival (Cluj-Napoca, Roumanie, 2008), projection de « Obscurus » au 2nd Annual Toronta Romanian Film Festival (Toronto, 2009).
Sebastian Hosu est un peintre doté d'une très grosse capacité à explorer la richesse visuelle de la peinture. Ses images jonglent entre le rendu fini et les coulisses de la construction. Ses personnages, toujours faits de zones définies et indéfinies, complètes et incomplètes, semblent éphémères et il est dur de savoir s'ils apparaissent ou au contraire disparaissent. En tous les cas, ils se fondent à leur environnement et semblent toujours protéger des choses, elles, bien présentes. La nostalgie est ici teintée d’étrange, et les éléments paraissent être des sortes de flashbacks ,de quelques secondes ou au contraire d'une éternité.
MATHIEU NOZIÈRES
Né en 1988 à Grenoble (France). Vit et travaille en Belgique. En cours de Master à l’Aca à Liège, Résidence à Cluj-Napoca (Roumanie) en 2011; il a étudié la bande dessinée à l'École Saint Luc à Liège, Bourse Erasmus de 2009 à 2010 à l'Université d'Art et Design de Cluj, Degré en peinture en 2011. Group show « We love Art » galerie Dubois-Friedland (Bruxelles, 2011),Exposition duo (avec Magda Amarioarei): "From this side of time" galerie Flux, Liège, 2010; Group Show "Sex and Space" 2010, Ex kenvelo, Cluj-Napoca.
Mathieu Nozieres voit les images en mouvement, sous forme de séquences et de manière narrative. Il croit au pouvoir de l’imagination, et libre alors au spectateur de s’attarder sur la zone de l’image qui lui plaît, lui accordant plus ou moins d’importance vis-à-vis d’une autre, et ainsi de définir lui-même les objets clés de la toile pour y construire sa propre interprétation, sa propre histoire et son propre film.
Ses sources documentaires alternent principalement entre internet, photos personnelles ou encore éléments de l’histoire de l’art. Son imagination dirige et unifie, visualisant tous ces fragments en une seule image, et lui permet d’aborder commencer la réalisation physique de la toile.
GROUP SHOW
Paintball
24.03.2012 / 12.05.2012
MAGDA AMARIOAREI / CHARLES BALAVOINE / ÉRIC DEPREZ / SEBASTIAN HOSU / MATHIEU NOZIÈRES